Le verdict politique et judiciaire est tombé : le journaliste et écrivain René Capain Bassène et le représentant civil du MFDC, Ampoin Bodian, sont condamnés et par vagues successives tous les autres arbitrairement arrêtés sont libérés.

Les avocats expriment leur écœurement devant des enquêtes bâclées à charge, l’inexistence de preuves concrètes fondant la décision de condamner les deux dont la présomption d’innocence n’a été respectée à aucun moment de la procédure de justice.

C’est dans l’atmosphère de la nouvelle sale guerre du président Macky Sall qui dure depuis janvier 2022 que ce verdict illégitime est prononcé après une détention des détenus sans jugement de 2018 à nos jours.

Cette condamnation est éclairée par les propos suivants que l’on peut lire dans la presse du locataire de la présidence et chef de l’APR/BBY : « Depuis dix ans, la perspective d’un règlement du conflit était réelle. Le trafic de bois a cependant atteint une ampleur inouïe, au point de décimer la forêt de Casamance. L’État ne pouvait rester les bras croisés, d’autant que, dans le cadre de cette lutte contre le trafic de bois mais aussi contre le trafic de drogue, un détachement sénégalais de la Cedeao positionné en Gambie a été pris en otage par des rebelles. Je ne pouvais l’accepter ».

Une justice incapable de prouver

Ainsi, accusés d’avoir « tué des trafiquants de bois », les condamnés à tort par une justice incapable de prouver leur culpabilité sont ainsi amalgamés sans aucune preuve à la prétendue « lutte contre le trafic de drogue » de Macky/APR/BBY et la « prise en otage par des rebelles d’un détachement sénégalais de la Cedeao positionné en Gambie ».

Gît dans cette sortie présidentielle un indice de lien qu’il fait entre ce procès indigne d’une justice indépendante qui se respecte sur la « tuerie de Boffa » et la guerre fratricide qu’il a ravivé en Casamance. L’ingérence présidentielle dans la procédure judiciaire apparaît nettement dans ses propres commentaires concernant la guerre qu’il mène contre le MFDC en terre de Casamance dont il proclame par ailleurs « l’appartenance » au Sénégal. Image-t-on Ndar, Matam, Diourbel, Fatick (…) sous des bombes de notre armée nationale ?

Guerre dans laquelle se succèdent des communiqués de « victoires », de « démantèlement de camps et de champs de chanvres de rebelles », de « prise d’armes de rebelles », bizarrement sans cadavres, ni prisonniers de rebelles et sans pertes de vie de nos soldats alors que d’autres sources font état du contraire, c’est-à-dire de désastre pour notre armée nationale à l’instar des « otages pris puis libérés par l’une des branches armées du MFDC ».

La communication présidentielle est un nœud inextricable de contradictions. Que peut valoir dans ces conditions l’appel suivant du président Macky Sall : „Nous tendons la main à tous les membres du MFDC qui ont le courage et la volonté de faire la paix“. Si, comme le déclare Macky Sall, « L’armée a donc démantelé toutes les bases que nous avions laissé prospérer depuis trop longtemps. Nous avons d’ailleurs découvert des quantités industrielles de culture de chanvre indien… », quel besoin y at-il à demander « à ceux qui ne s’adonnent pas à ces trafics, nous avons dit :  „On dépose les armes, on fait la paix et on vous réinsère“ » ?

En fait, contrairement à ses allégations selon lesquelles « Je l’ai déjà dit : la Casamance, c’est le Sénégal. Nous tendons la main à tous les membres du MFDC qui ont le courage et la volonté de faire la paix », c’est le président Macky Sall, tout comme Abdoulaye Wade, Abdou Diouf et Senghor avant lui, qui manque de lucidité, de vision, de « courage et de volonté pour faire la paix » alors que ce conflit fratricide perdure depuis 1982.

Cela fait 40 ans que s’est réveillé le Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance (MFDC) né en mars 1947 à Sédhiou sous la direction de feu Victor Diatta après un long sommeil de 1960 au départ de L.S. Senghor et à l’arrivée de Abdou Diouf. Cela fait 40 ans qu’aucun de nos présidents successifs n’a cherché à trouver une solution autre que la guerre et la corruption à ce douloureux contentieux fratricide historique. Cela fait 40 ans que la vérité historique est enfouie sur le processus qui a conduit à l’effacement du MFDC dans l’histoire de la mise en place du néocolonialisme dans notre pays. L’Abbé Diamancoune est décédé alors que des occasions d’un sérieux dialogue et d’une franche négociation ont été gâchées par l’incurie de l’aveuglement néocoloniale.

La violence maîtrisée

Après le désastre de la violence militarisée sous Abdou Diouf, après le scandale de la corruption généralisée de A. Wade, voilà les guerres de Macky Sall qui débordent même sur les pays frères frontaliers de la Gambie et de la Guinée Bissau, ce qui rappelle l’escapade meurtrière de 1998 sur cette terre africaine voisine. Pire, le régime APR/BBY aux abois n’hésite pas à instrumentaliser l’origine paternel casamançaise pour chercher à éliminer O. Sonko son principal adversaire, véritable chef de l’opposition démocratique arrivé en troisième position à la présidentielle 2019. Franchement Macky/APR/BBY sont de plus en plus dangereux pour notre pays.

Qui peut croire que c’est le hasard, la coïncidence entre la victoire des locales, notamment à Ziguinchor et le déclenchement des bombardements en Casamance ? Plusieurs milliers de familles sont devenues des déplacées ou des émigrées à la suite des bombardements de notre armée nationale dont les seuls résultats évidents sont de dévaster la belle forêt de Casamance.

La levée des mandats d’arrêt contre les dirigeants politiques et militaires du MFDC

40 ans ont largement fait la preuve qu’il n’y a pas et ne peut y avoir de solution militaire à ce conflit fratricide en Casamance.

Il faut donc que les forces vives démocratiques de notre pays osent poser le vrai débat sur la question Casamançaise. Il faut briser le silence sur les sales guerres de notre armée en Casamance. Il faut que les bouches s’ouvrent pour dire NON aux guerres et OUI à la paix, pour l’ouverture de négociation sérieuse par la levée des mandats d’arrêt contre les dirigeants politiques et militaires du MFDC, la libération des prisonniers politiques dont René Capain Bassène, l’arrêt de l’implication instrumentalisée de la Gambie et de la Guinée Bissau dans le conflit interne au Sénégal, la cessation de la distribution de l’argent de l’argent de la corruption. Voilà quelques points qui permettent d’envisager une négociation pour la paix dans la perspective panafricaine de « l’union libre des peuples libres d’Afrique » (Tiémokho Garang Kouyaté/Lamine Arfan Senghor).

13/06/22