Le Journal de l'Information 7. Dezember 2021

Le Président sénégalais Macky Sall a décidé d’envoyer en Guinée Bissau une mission de professeurs de médecine et d’anciens docteurs militaires de l’Hôpital Principal de Dakar « pour soigner les populations ». Mais le syndicat des professionnels de la santé de Guinée Bissau – SINETSA – et la société civile déconseillent et mettent en garde à leur Président contre le risque  d’envoi d’une telle mission dans leur pays.

C’est ce mois de décembre qu’ une mission sénégalaise composée de professeurs de médecine et d’anciens docteurs militaires de l’Hôpital Principal de Dakar doit arriver en Guinée Bissau. Selon Macky Sall, sa mission consiste à « soigner les populations » et à aider ce pays à surmonter ses problèmes majeurs auxquels le système sanitaire est confronté.

Même si Umaro Sissoco Embaló a accepté la main tendue de son son homologue et « grand frère Macky Sall », Joio Joao Correira, le secrétaire général du syndicat des professionnels de la santé estime que ce n’est pas cette mission qui va aider son pays à se débarrasser de son piteux état sanitaire. 

 Miser sur « nos propres travailleurs qualifiés »

« Les dirigeants de Guinée-Bissau devraient penser différemment. Notre pays aura besoin d’aide. Cependant le pays devrait plutôt réfléchir à améliorer les conditions internes de travail pour que le personnel national puisse faire ce travail lui-même. Ils devraient miser sur  », a dit Joio Joao Correia joint par nos services. « Il est coûteux d’amener des Sénégalais en Guiné-Bissau car un Sénégalais gagne plus de 500 000 FCFA à 1 million de francs CFA, et coûtera probablement le double pour un déploiement en Guinée-Bissau », a-t-il ajouté avant de poursuivre: « Il y a donc un facteur de coût élevé. Trois à quatre guinéens pourraient être payés avec un salaire d’un membre de cette mission. Le gouvernement de Guinée-Bissau devrait  miser sur ses propres travailleurs qualifiés en mettant en place un programme de formation, une planification des ressources humaines à court, moyen et long terme. La plupart de nos professionnels en ce moment sont très jeunes. Notre système de santé est peut-être le plus jeune au monde. Nous devons l’utiliser » a-t-il conseillé. 

Pour lui, l’État devrait suivre l’exemple de l’hôpital militaire qui envoie son personnel en formation continue. Cela permet aux professionnels de se spécialiser dans diverses disciplines de la santé. Le gouvernement devrait emboîter le pas, a recommandé M. Correia. Il y a de grands avantages à former ses propres spécialistes, ils coûteront moins chers que les médecins étrangers, a-t-il dit. « Si les conditions locales sont améliorées, le pays deviendrait attrayant à l’étranger. Il pourra vendre ses services à d’autres pays comme le font le Sénégal, le Nigéria et le Cuba », a-t-il conclu.

En grève depuis septembre 2020

Le SINETSA est en grève depuis septembre 2020. La grève a été déclenchée par l’Union Nationale des travailleurs de Guinée – UNTG, dont SINETSA est également membre pour exiger à l’état de respecter des accords signés. 

Depuis septembre 2020, explique M. Correia, le SINETSA commencé par des conférences de presse, des audiences, des annonces de grève afin d’attirer l’attention du gouvernement dans le but de trouver une solution à travers un accord pacifique. 

Mais Umaro Embaló a déclaré publiquement qu’il avait interdit au gouvernement de négocier avec les syndicats. Le pays est en grève permanente depuis début 2021. L’éducation et la santé sont complètement paralysées. Pour tenter de casser le mouvement de grève, le Président a décidé d’employer des médecins militaires dans les hôpitaux du pays. D’où son choix de faire appel à une mission de médecins militaires sénégalais.

Éliminer les opposants politiques et les activistes 

Pour sa part, la société civile Bissau-Guinéenne voit d’un mauvais oeil la mission médicale sénégalaise. D’après une source de ladite société civile qui a requis l’anonymat, « si Embaló demande à son parrain politique Macky Sall de lui envoyer une mission d’anciens militaires sénégalais, c’est parce qu’il cherche à éliminer physiquement certains opposants politiques et activistes ». Si l’on se fie à notre source, cette demande est une aubaine pour Macky Sall que son armée contrôle non seulement tout le système sanitaire du pays, mais aussi pour couper toutes les sources approvisionnements d’armes, de munitions et de médicaments au MFDC et de soigner des combattants blessés ou malades dudit mouvement dans ces hôpitaux.